Sur les marchés financiers, les adages ont la vie dure et se révèlent souvent de bons conseils. L’un des plus célèbres est « Sell in may and go away ! ». Aujourd’hui, après la forte hausse des indices boursiers depuis le début de l’année, faut-il y croire ou continuer à être investi ? Nous vous proposons une petite étude statistique sur les 30 dernières années pour se faire une idée plus précise de l’environnement auquel nous sommes confrontés ce printemps.
Tout d’abord, ce dicton puise son origine dans les habitudes des aristocrates anglais qui quittaient Londres les chauds mois d’été pour y revenir le jour de la St Léger assister à la dernière manche de la British Triple Crown, compétition réunissant les meilleurs chevaux de l’Empire. Puis sur les bourses mondiales, il est de coutume de penser que les mois de l’été où les volumes se réduisent en raison des vacances des opérateurs sont moins favorables à l’investissement en actions et qu’il est préférable de vendre ses positions pour se positionner sur des actifs sans risque jusqu’à l’automne.
Nous vous récapitulons dans le tableau ci-dessous les observations faites depuis le 1erjanvier 1990 sur une série d’indices de toutes zones géographiques, avec dividendes réinvestis ou non et en mixant les indices larges ou plus resserrés.
Indice | Pays | Performance moyenne de mai à septembre | Performance moyenne d’octobre à avril | Performance moyenne annuelle |
DOW JONES 30 | USA | -0,1 % | +9,4 % | +8,3 % |
SP 500 | USA | +0,5 % | +8,4 % | +8,4 % |
CAC 40 | FRANCE | -4,3 % | +10,2 % | +5,2 % |
DAX 30 | ALLEMAGNE | -2,9 % | +12,4 % | +9,1 % |
EUROSTOXX 50 | ZONE EURO | -3,7 % | +10,2 % | +5,9 % |
EUROSTOXX 50 NR | ZONE EURO | -1,8% | +11,1 % | +8,8 % |
STOXX 600 | EUROPE | -2,5 % | +9,0% | +6,0 % |
NIKKEI 225 | JAPON | -3,3 % | +4,9 % | +0,4 % |
MSCI ASIE PACIFIQUE | ASIE | -1,8 % | +5,9 % | +2,6% |
MSCI MARCHÉS EMERGENTS | EMERGENTS | -1,5 % | +10,6 % | +9,6 % |
MSCI WORLD | MONDE | -0,8 % | +7,4 % | +5,8 % |
Moyenne | -2,0 % | +9,0 % | +6,4 % |
Il existe bel et bien une nette dichotomie entre les performances de l’été et celles de l’hiver. Les indices boursiers, qu’ils soient larges ou resserrés, avec dividendes ou non et de n’importe quelle zone géographique connaissent ce phénomène. Certains de manière plus marquée que d’autres. Les marchés américains sont les moins impactés quand l’Europe enregistre les différences de performances les plus nettes.
Cependant il convient de signaler que cela n’est pas vrai chaque année. Le tableau ci-dessous résume la fréquence des baisses sur les différents indices boursiers entre mai et septembre depuis 1990.
Indice | Pays | Nombre de baisses entre mai et septembre | Fréquence sur les 29 dernières années | Nombre de hausses entre octobre et avril | Fréquence sur les 29 dernières années |
DOW JONE 30 | USA | 12 | 41 % | 27 | 93 % |
SP 500 | USA | 10 | 34 % | 25 | 86 % |
CAC 40 | FRANCE | 17 | 58 % | 25 | 86 % |
DAX 30 | ALLEMAGNE | 15 | 52 % | 25 | 86 % |
EUROSTOXX 50 | ZONE EURO | 14 | 48 % | 23 | 79 % |
EUROSTOXX 50 NR | ZONE EURO | 14 | 48 % | 23 | 79 % |
STOXX 600 | EUROPE | 13 | 45 % | 24 | 83 % |
NIKKEI 225 | JAPON | 19 | 66 % | 17 | 59 % |
MSCI ASIE PACIFIQUE | ASIE | 17 | 59 % | 19 | 66 % |
MSCI MARCHÉS EMERGENTS | EMERGENTS | 15 | 52 % | 24 | 83 % |
MSCI WORLD | MONDE | 11 | 38 % | 24 | 83 % |
Moyenne | 50% | Moyenne | 80 % |
Si les performances des marchés sont en moyenne négatives durant la période qui court de mai à septembre, ils ne baissent en moyenne qu’une année sur deux, mais l’Asie et la France se distinguent en baissant plus souvent. On ne peut donc pas en conclure que les marchés sont nécessairement baissiers en été mais seulement que les baisses sont plus violentes (-12% en moyenne selon nos calculs) que les hausses (+9%) au cours de cette période de l’année. La période d’octobre à avril est quant à elle vraiment haussière (nous y reviendrons sûrement dans une autre publication).
Mais revenons à ce qui nous intéresse, à savoir notre situation en mai 2019. Les marchés vont-ils poursuivre leur progression ou subir une correction au cours des prochains mois ? Pour cela, nous avons analysé de plus près les comportements passés des indices boursiers. En cas de hausse supérieure à 15% des indices sur les quatre premiers mois de l’année (comme c’est le cas cette année 2019), alors nous avons constaté qu’ils avaient ensuite baissé de 11% en moyenne dans 50% des cas. Si nous élargissons le spectre de l’étude en analysant les hausses supérieures à 10% des indices sur les quatre premiers mois de l’année, nous parvenons au même résultat. Notre boule de cristal est donc bien aveugle pour ce qui est des probabilités de baisse des indices au cours des prochains mois. Par contre, ce qui est certain c’est que les marchés sont plus vulnérables au cours des mois d’été, surtout en Europe et en Asie et que la période qui s’étend d’octobre à avril est bien plus favorable aux investissements en actions. Le graphe ci-dessous illustre la performance d’un portefeuille investi toute l’année (en bleu), un portefeuille investi sur les marchés que du 1eroctobre au 30 avril (en rouge) et le dernier portefeuille investi uniquement 1ermai au 30 septembre de chaque année (en gris). Les différences sont nettes et accréditent le dicton de « Sell in May and go away ».
Les mois d’été sont donc dans l’ensemble peu favorables aux actions même si ces dernières années, ils n’ont pas connu de sous-performances notoires. Les volumes plus faibles ajoutent de la volatilité. Les opérateurs sont souvent plus prudents, ils attendent la confirmation de la croissance économique prévue par les économistes et sont plus circonspects sur les perspectives opérationnelles des sociétés. C’est pourquoi il est habile de s’adapter à ce contexte de marché et réduire son risque lors de cette période. On peut le faire de plusieurs manières, soit en réduisant son exposition générale aux marchés actions (et je préconise d’alléger les positions européennes et asiatiques plus sujettes à la baisse en été) ou en arbitrant les lignes du portefeuille vers des actions moins volatiles (ce phénomène d’ailleurs s’observe d’ailleurs ces derniers jours).
En restant à votre disposition si vous voulez approfondir sur le sujet.
Eugène Constant